Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Res Politica

Publicité
Res Politica
Archives
24 novembre 2013

8. L'infantilisation des opinions indépendantistes

Les vrais démocrates que nous sommes, pour qui le sens commun invite à voir que les Nations sont le cadre ordinaire de la démocratie, sont régulièrement classés par des catégories péremptoires : « europhobie » est le dernier en date, qui succède à l’ « euroscepticisme ». En vérité, il ne fait aucun doute que les connotations associées à ces termes sont pour le moins négatives : « europhobie », c’est comme « homophobie », il y aurait derrière le rejet de l’Union européenne une forme de « peur ». De même « euroscepticisme » connote une attitude générale de doute, sans projet alternatif, le scepticisme étant la croyance selon laquelle il faudrait douter de tout, y compris de l’existence de la vérité. (1)

Dans les deux cas, l’attitude mature consistant à se pas réagir en « négatif », ni sur le ton du doute, en attitude permanente de refus d’une situation, ni en « réaction », sur le ton du scepticisme, mais l’attitude mature du Citoyen qui sait pertinemment qu’il est impossible de faire confiance à l’Union européenne et qui la rejette au nom d’une question de légitimité, de souveraineté, une question – en somme – constitutionnelle, cette attitude mature est toujours disqualifiée. Les puissants de la Commission européenne, au service des banques et des lobbies, déclarent sans cesse qu’il faut « expliquer », faire de la « pédagogie », présupposent que les Citoyens ne comprennent pas. Parce qu’eux détiennent la vérité et savent mieux que les autres. Le Citoyen Français, le Citoyen Grec, le Citoyen Espagnol, est infantilisé. Le Citoyen est bête dès lors qu'il oppose des arguments à la propagande de l'Union européenne. (2)

Certes, il est aussi fou de dire que « le Citoyen est bête » que de dire « le Peuple a toujours raison ». La bêtise et la raison se discutent: un argument est bête ou rationnel, seules les institutions peuvent discriminer entre les deux. L’idée de « Peuple » reste par ailleurs discutable et discutée. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la démocratie parlementaire est actuellement la plus aboutie des formes de gouvernement, en même temps que la plus perfectible de toutes. Que la division du travail politique entre gouvernants et gouvernés n’est pas la pire des choses, et force est de constater que cette division ne fait pas violence au sens commun (qu’on le veuille ou non).

Mais ladite division du travail politique doit être maintenue dans des cadres nationaux, pour maintenir le lien culturel, historique et concret entre le Citoyen et ses mandataires. Elle doit être maintenue dans un cadre constitutionnel laïque, qui organise la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, prévenir les abus du gouvernement par le renforcement des contrepouvoirs, assoir fermement les libertés publiques et le Pouvoir Associatif, réaliser les conditions d’un système économique viable combinant le degré le plus élevé de protection sociale, les plus hauts salaires et les investissements les plus utiles pour le plus grand progrès des sciences et de l’industrie. Tel est le sens commun, si éloigné de la prétention des puissants de l’Union européenne – leur orgueil et leur démesure précèderont leur chute – à imposer leurs conceptions politiques aux Peuples de l’Europe.

Que nous proposent-ils ? Le cadre européen n’est pas laïque : les religieux n’ont de cesse d’y intervenir au nom de « racines chrétiennes de l’Europe ». Ils n’y a point de séparation des pouvoirs à l’échelon européen, l’initiative des lois et des règlements européens revenant aux pouvoirs exécutifs nationaux réunis au Conseil européen, le pouvoir judiciaire européen dépendant des pouvoirs nationaux et négociant en permanence avec lui, le Parlement européen sans cesse soumis aux diktats des exécutifs nationaux. En Grèce, l’Union européenne et la Troïka ont introduit dans le code pénal des mesures attentatoires aux libertés publiques, en criminalisant la parole et l’action des indépendantistes, ces opposants puérils à l’Union européenne. La Confédération Européenne des Syndicats est une vitrine d’un européisme syndical, financé par l’Union, les salaires sont alignés à la baisse dans toute l’Union, le libre-échange causant la division des salariés que la lente constitution des Etats-Nations avait uni dans des institutions de classes pour discipliner les antagonismes de classes. Les investissements se réduisent d’année en année, alors que l’urgence serait d’investir massivement dans l’industrie à l’heure où la troisième révolution industrielle désorganise et réorganise tout (il s’agit du numérique), à l’heure où l’écologie scientifique a démontré la nécessité de s’en prendre aux structures productivistes et consuméristes de l’économie. Il faudrait former massivement les Citoyens ? L’Union européenne détruit les universités !

Eux prétendent que nous ne savons pas. Pour autant regardez donc si eux savent mieux : depuis 2010 que la crise de l’euro fait sombrer l’ensemble des sociétés de l’Europe du Sud dans le chaos le plus total, depuis 2010 que leurs actions ne conduisent qu’à nous enfoncer davantage dans ce chaos, depuis 2010 nous lisons les commentaires les plus affligeants, les commentaires les plus triomphalistes sur l’avenir politique et économique de l’Europe. Les Indépendantistes n’ont nul besoin de commenter plus avant leur incompétence et leur autoritarisme, si manifestes dans le désordre et l’injustice qui sont devenus les traits communs de la plupart des sociétés européennes.

Nous comprenons très bien. Pas à la manière des universitaires, pas à la manière des élites parisiennes qui méprisent le Peuple, non : nous le comprenons à la manière des gens ordinaires. La « pédagogie européenne » est une insulte non pas à l’intelligence spontanée du Peuple, mais à l’idée même de Débat Public, impliquant que les élites politiques ne soient pas constamment conduites à trahir les populations qu’elles gouvernent. Les représentants politiques doivent faire la preuve de ce qu’ils avancent : s’ils en sont incapables, ils n’ont plus que l’argument d’autorité pour assoir leur pouvoir. La propagande est le dernier degré de la Politique. À notre époque de lumière où Wikipédia surclasse – et de loin – le projet de Diderot et d’Alembert, le projet de l’oligarchie européenne ne passera pas.

(1) Voir la page achetée par la Commission européenne dans l'édition du 13 novembre.

(2) Il est intéressant de voir ce qui s'est passé lorsque Monsieur Barroso s'est rendu à Liège, en Belgique, à l'occasion de l'un de ces "Dialogues Citoyens". Il a été accueilli par des jets d'oeufs par des opposants aux politiques d'austérité. Véronique de Keyser l'a accueilli avec moins d'humour en déclarant: "Ceci le poussera certainement à nous convaincre, mais ce sera dur, que le désamour entre l’Europe et les citoyens n’est qu’une question de pédagogie, de communication – et non pas le désaveu du travail de l’équipe qu’il a menée. " Voir le discours.

 

Publicité
Publicité
24 novembre 2013

7. Rupture dans l'opinion publique: rejet massif de l'Union européenne

2013-EU-01

Une autorité légitime n’a jamais besoin de vanter ses mérites par les moyens industriels de la communication de masse. Tout au plus s’accordera-t-elle le luxe de quelque spot publicitaire pour entourer son nom d’une sympathie qui lui est déjà acquise par habitude : ainsi a-t-on vu des monopoles publics promouvoir leur réputation, comme s’ils étaient contraints à vendre leurs services, malgré la nécessité et l’obligation où la loi a mis les Citoyens de s’y soumettre. Disons-le d’emblée : l’Union européenne ne bénéficie pas spontanément de la sympathie des Citoyens de la Nation française, pas plus que des Citoyens des autres Nations européennes. Les moyens qu’elle met à disposition de ses administrations pour vicier le Débat Public de son odieuse propagande ne sont rien d’autre que l’aveu de son impopularité.

Cela n’en resterait pas moins une preuve négative de cette impopularité. Pour autant, les preuves positives d’une telle impopularité existent bel et bien. Le 13 mai 2013, le Pew Research Center publiait une enquête réalisée par sondage dans plusieurs sociétés de l’Europe occidentale. L’étude a été conduite sur plusieurs années depuis 2002. Les résultats sont éloquents et comportent une marge d’erreur de 3,6%. Cette étude montre que la perception des Citoyens à l’égard de l’Union européenne va de plus en plus à ce que les eurocrates appellent « l’euroscepticisme » depuis 2007. La perception de la situation économique des Nations européenne est qu’elles se dégradent. Ainsi, en Espagne, 65% de la population considérait que la situation était bonne en 2007 ; ils n’étaient plus que 4% en 2013. En Grande-Bretagne, de 69% à 15% ; en Italie, de 25% à 3% ; en France, de 30% à 9%. Seule l’Allemagne est passée de 63% à 75%. L’intégration économique n’est désormais jugée positive que pour 29% des répondants. En moyenne.

Le soutien au projet européen s’effondre. L’idée selon laquelle l’intégration économique européenne renforce l’économie ne reçoit plus l’adhésion ; on passe de 36% à 22% en France, de 22% à 11% en Italie, de 18 à 11% en Grèce, de 59 à 54% en Allemagne. Le nombre de citoyens favorables à l’Union européenne se réduit de 15 points en moyenne dans toute l’Europe occidentale (à l’exception de la République Tchèque) : l’effondrement le plus significatif est en France, où la population passe de 60% de la population favorable à l’Union européenne à 41%, soit une perte de 19 points. Le fait le plus significatif est le creusement d’un écart entre la France et l’Allemagne : les opinions des deux populations des États dont le « couple » est jugé « moteur » divergent désormais fondamentalement. En matière d’opinion à l’égard de l’Union européenne, la France est donc un pays du Sud comme les autres.

Le plus étonnant, c’est que les élites – en revanche – continuent de prôner un « rapprochement » des citoyens et de l’Union européenne qu’ils tendent à rejeter, le développement de l’intégration économique, le développement du couple franco-allemand. Au-delà de la rupture des Français à l’égard de l’Union européenne, il existe donc une rupture entre les Français et leurs élites, rupture dont le trait saillant est que les uns conçoivent leurs intérêts comme divergents de ceux de l’Allemagne et de l’Union européenne, tandis que les seconds conçoivent toujours la France en termes de « couple franco-allemand », demeurent favorables à l’intégration européenne et à l’Union européenne. La crise politique que nous traversons a des causes bien déterminées.

Voir l'étude du PEX Research Center: The New Sick Man of Europe: the European Union. http://www.pewglobal.org/2013/05/13/the-new-sick-man-of-europe-the-european-union/

Aussi le billet de Jacques Sapir, économiste:

24 novembre 2013

4. Quand l'Est Républicain fait la propagande de l'Union

Le Canard Enchaîné du 20 novembre 2013 en a informé les Français: la Presse Quotidienne Régionale (PQR) aux mains du Crédit Mutuel, la banque dirigée par le pédégé Muchel Lucas, vient de faire passer la propagande de l'Union européenne pour un article journalistique. Dans l'édition du 13 novembre 2013, une pleine page est dédiée à l'Union européenne, à l'occasion des prochaines élections du Parlement européen.Selon le Canard, les journalistes se seraient battus pour que cette page apparaisse clairement pour ce qu'elle est: une pub. Une mention apparaît effectivement en bas de page: "Page réalisée en partenariat avec la Commission européenne". Le Canard commente: ""Partenariat", cela veut dire "payé par""? Les titres concernés appartiennent au groupe Est Bourgogne Rhône Alpes (EBRA), premier groupe de PQR en France, couvrent pratiquement tout l'est du Pays (voir notre billet consacré à la question).

Détourner le débat public

Commencer par citer François Mitterrand: "Il faut "un véritable combat des idées, que tous engagent un grand dialogue, quelquefois fracassant, afin de passionner les masses et de mobiliser un pays comme le nôtre."" A quelques mois des élections européennes, le débat serait monopolosé par les "adversaires de l'Union". Et de citer "un responsable français" (lequel?": "Les europhobes affirment: la politique européenne n'est pas idéale, il faut supprimer l'Europe. (...) Mais ce n'est pas parce qu'on peut critiquer la politique française qu'on va demander la suppression de la France!" Jacques Delors, pape de l'eurobéatitude en France, est invoqué pour tempérer le débat. "Oui, il y a une poussée eurosceptique. Mais ces forces en progression dans la plupart des pays "resteront minoritaires au Parlement." Le programme de "Dialogue citoyen" proposé par la Commission européenne - jouissant de fonds considérables pour cette campagne d'infecte propagande - est censée légitimer une institution qui a perdu tout crédit.

Consommateurs et eurodéputés au secours de l'UE

Les "consommateurs" sont invoqués, et Benoît Hamon (noniste en 2005) présente des alibis pour cette Union européenne qui mène une politique criminelle au service du gouvernement Allemand (1).  Non, les consommateurs ne sont pas pris en compte par l'Union européenne: ceux-là sont considérés comme des moutons qui - quand sera ratifié le Traité de Libre-Echange UE-USA - auront tout le loisir de trouver du boeuf chloré et des OGM dans leur assiette importée du Middle West et de son agriculture productiviste. Alors qu'est-ce que la fameuse loi de Benoit Hamon pour les consommateurs ajoute de droits aux citoyens? Le fait de pouvoir résilier un contrat au bout de 14 jours et non 7 jours? La belle jambe, comme si le Parlement national était incapable de telle décision ô combien courageuses!

Non, les eurodéputés n'ont aucun pouvoir: ils n'ont pas - dans le cadre du Traité de Lisbonne - ni initiative législative, ni initiative budgétaire. Au surplus, le Cadre Financier Pluriannuel qui vient d'être introduit et sera voté le 2 décembre 2013 (avant les élections) imposera au prochain Parlement européen les cadres de sa politique budgétaire.: l'austérité est gravée dans le marbre. On nous dit dans cet article: "Ces eurodéputés auront enfin la faculté nouvelle d'influer sur la désignation du futur président de la Commission européenne, de dire s'ils le souhaitent de droite ou de gauche Ainsi le veut le Traité européen revu à Lisbonne en 2007." Or, c'est l'Allemand Martin Schultz, membre de la SPD, actuel Président du Parlement européen et candidat à la Commission du PS français, qui devrait être proposé à la tête de la Commission. (2) De droite ou de gauche? "Droite" et "Gauche" cogèrent le Parlement européen! Le Président du Parlement est traditionnellement désigné tous les deux ans pour cogérer le Parlement! Le Traité de Lisbonne? Copier-coller du Traité Constitutionnel européen refusé en 2005 par référendum!

Le règne des sophistes!

Quel "europhobe" prétend "supprimer l'Europe", comme le prétend le prétendu "responsable Français"? (prétendu faisant peser le doute à fois sur le mot "responsable" et sur le mot "Français"?

Il ne s'agit pas de "supprimmer l'Europe" mais d'en finir avec l'Union européenne, qui n'est pas l'Europe mais l'anti-Europe, qui est même contraire à l'esprit européen. L'Europe est un continent peuplé de Nations: elle doit être décrite telle qu'elle est, c'est-à-dire comme dominée par une organisation supranationale qui méprise l'idée "d'égale souveraineté entre les Nations", base de l'Organisation des Nations Unies (4). Cette Europe-là, l'Union européenne, a désormais - dans les termes de l'enseignant-chercheur économiste Cédric Durand - introduit des rapports semi-coloniaux avec la Grèce. (3) Elle a accepté l'espionnage généralisé des agences de renseignements des Etats-Unis d'Amérique sur nos sociétés. Des innocents font l'objet d'une surveillance permanente des institutions américaines. Des prisons secrètes de la CIA sont installées en Europe. Les chancelleries européennes reçoivent même leurs ordres directement de Washington, lorsqu'il s'agit d'empêcher l'avion présidentiel de l'Etat de Bolivie au-dessus des territoires de l'Europe occidentale. François Hollande, plus européiste que Barroso et plus atlantiste que George Bush, reçoit les applaudissements de la presse financière américaine et des milieux néoconservateurs pour sa soumission à Washington lors du dossier Syrien.

Quand Viviane Reding proclamait la fin des souverainetés nationales

Il y a une chose qui n'a pas été débattue en Europe, jamais, c'est le fait que - comme le déclarait Viviane Réding devant nos Représentants à l'Assemblée Nationale - "il n'y a pas plus politique intérieure nationale. il n'y a plus que des politiques européennes qui sont partagées dans une souveraineté commune." Cela n'a jamais été débattu, jamais cela n'a été accepté, l'Europe a imposé sa domination sur un ensemble plurinational dont les souverainetés ont été dissoutes. C'est que, pour ainsi dire, pour la théorie politique la plus classique et la plus conservatrice, l'Union européenne est devenue une forme impériale de gouvernement.

 Là où - auparavant - l'UE se présentait comme une organisation internationale avancée, elle est devenue aujourd'hui un Empire dont les Commissaires sont les Administrateurs Généraux. L'Histoire des différentes Nations européennes, variée, riche, conflictuelle, se trouve niée et violentée par des technocrates centraux qui n'ont désormais plus que faire des oppositions nationales aux politiques supranationales et néolibérales menées par l'UE, sous l'influence grandissante des lobbies.

Nous devons remettre complètement en cause cette idée que l'Europe devrait faire disparaître la souveraineté des Nations qui la composent.

 

dialoguefracassantHamonpleinepageReding

 

 (1) Voir l'interview de Benoit Hamon, extrait de la pleine page du 13 novembre 2013, l'Est Républicain.

(2) Voir le communiqué de Jean-Luc Mélenchon: http://europe.jean-luc-melenchon.fr/2013/11/19/le-coup-de-force-austeritaire-de-martin-schulz/ Ou encore celui de Jean-Pierre Chevènement: http://www.chevenement.fr/%E2%80%89Non-a-la-nomination-de-l-Allemand-Schulz_a1534.html

 (3) Cédric Durand, En finir avec l'Europe, 2013, Ed. La Fabrique, p.43, Intro: "La nationalité de la propriété est une question qui perd en importance au moment même où le privilège impérial qu'offre la création de l'euro renforce la position de l'Europe en tant qu'espace de valorisation du capital. Mais ce n'est pas un espace homogène. L'UEM [Union Economique et Monétaire] a intensifié les dynamiques de développement inégal au point de réintroduire une logique de type semi-colonial dans la région, qui est devenue manifeste avec la crise".

 (4) Charte des Nations Unies, 26 juin 1945. Article 2: "L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'Article 1, doivent agir conformément aux principes suivants : 1. L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres."

 

 

22 novembre 2013

6. Troll patrols : contrôler les opinions publiques européennes

20mgzb1b

Lutter contre « l’europhobie » nécessite des moyens considérables. Tous les moyens sont bons : non seulement l’Union européenne finance des pleines pages dans la presse(1), dépense des fortunes dans de la propagande (2), mais elle investit également les réseaux numériques.

La nouvelle est tombée dans le Daily Telegraph le 3 février 2013 : l’Union européenne s’apprêtait à financer – pour la modique somme de 2,2 millions d’euros – une « patrouille de trolls » pour contrer la montée des opinions « eurosceptiques ». En prévision des élections de Juin 2014, cette stratégie secrète visait explicitement à doter l’Union européenne d’ « outils de surveillance de l’opinion publique » pour « identifier à un stade précoce si les débats de nature politique entre partisans sur les médias sociaux et les blogs ont un potentiel d’attraction des médias et de l’intérêt des citoyens. »

Le document révélé par le Daily Telegraph révélait l’intention de l’Union d’accroitre les investissements dans l’analyse quantitative des médias, alors que l’austérité frappe toute l’Union européenne. Plus précisément, il s’agissait de viser les pays où « l’euroscepticisme » existe et s’avère puissant. Placer une équipe plurinationale derrière des ordinateurs et « troller » les réseaux sociaux, quelle meilleure manière de réunir toutes les conditions d’un « dialogue » tant vanté par les technocrates de Bruxelles ?

« Les communicants institutionnels doivent avoir la capacité de surveiller la conversation publique sur le terrain et en temps réel, pour comprendre les « thématiques tendancielles » (trending topics) et avoir la capacité de réagir vite, d’une manière ciblée et pertinente, pour rejoindre et influencer la conversation, par exemple en pourvoyant des faits et des chiffres pour déconstruire les mythes. »

Voilà pour les faits relevés par le Daily Telegraph. (1) Bien entendu, les mythes en question devraient recouvrir les faits et les chiffres sans cesse ressassés par les mégaphones médiatiques, à l’instar de la pleine page des journaux du Crédit Mutuel du 13 novembre 2013, sous la plume du journaliste quatremérien Francis Brochet. Ceux avancés par les adversaires de l'oligarchie européenne doivent se contenter des moyens du bord: aucun parti de gauche n'a - par exemple - inscrit la dissolution des programmes la dissolution de la monnaie unique. La gauche démondialisatrice (MPEP, PRCF) prévoit en effet de boycotter les élections.

La pauvreté de l'offre partisane pour les élections européennes, l’adhésion spontanée du système médiatique au projet de l’oligarchie européenne ne suffisait pas : l’Union européenne se devait aussi de verrouiller les oppositions croissantes à l’euro et au système technocratique européen, tout en poursuivant l’illusion de démocratie. Seuls débouchés possibles pour les opposants à l'intégration européenne: le projet délirant de Marine le Pen, la solution boiteuse du Front de Gauche, ou - clairement - le vote blanc.

Une chose est certaine: le mouvement des blogs ne se laissera pas impressionner.

(1) Voir notre article: http://respolitica.canalblog.com/archives/2013/11/24/28489501.html

(2) Voir notre article: http://respolitica.canalblog.com/archives/2013/11/22/28490221.html

Article du Daily Telegraph: http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/eu/9845442/EU-to-set-up-euro-election-troll-patrol-to-tackle-Eurosceptic-surge.html

22 novembre 2013

5. Pour contrer la crise de l'Europe, rien de mieux que la propagande

sengage-2-3

Depuis 2006, un règlement de la Commission (règlement n°1828/2006) impose des mesures de communication en sa faveur, notamment le « pavoisement du drapeau européen à compter du 9 mai de chaque année », entre autres. À chaque projet financé par l’UE, un panneau d’affichage doit être maintenu jusqu’à 6 mois au moins après la fin des travaux, l’emblème de l’UE devant occuper 25% du panneau (en France : « l’Europe s’engage »). Depuis lors, nous assistons à des dépenses frénétiques de la propagande en faveur de l’Union européenne.

« J’avance avec l’Europe »

L’Union européenne avait lancé en 2008, en partenariat avec la France la campagne de propagande « J’avance avec l’Europe ». Son objectif à nouveau: valoriser l'Union européenne en France, où les Français avaient voté "non" au Traité Constitutionnel Européen de 2005. Cette campagne fut lancée à quelques mois des élections du Parlement européen.

La campagne était organisée conjointement entre les ministères gérant les programmes européens : « 13 programmes courts diffusés du 27 octobre au 30 novembre 2008 sur TF1, M6 et RFO aux heures de forte audience » ainsi qu’un site d’information comportant des vidéos (types « spots TV »), présentant le programme des fonds européens et servant de portail aux sites relais. (1)

« L’Europe s’engage »

En octobre 2010, une nouvelle grande campagne de propagande était lancée en France, en « partenariat » avec la Commission européenne. Dans la suite de la campagne de communication lancée en 2008 « J'avance avec l'Europe », la campagne « l’Europe s’engage en France » valorisait les « partenariats » entre l’Union européenne, la France et – surtout – les Régions. Six programmes sont diffusés à la télévision, dont un programme dans l’Outre-Mer, pour valoriser les « aides » du FEDER, FSE, FEADER, FEDER/DOM.

Au surplus, la nouvelle campagne mobilisait à fonds les réseaux sociaux : un site internet leuropesengage.eu fut décliné pour chaque région (l’Europe s’engage en Lorraine, en PACA, en Région Centre, etc.). Ce nouveau caractère régional visait à valoriser le nouveau mode de « gouvernance multiniveau » de l’Union européenne (impliquant en France – à terme – la fusion des départements et des régions), comme recommandé par une étude de l’Office statistique européen publiée en octobre 2010.  (2)

Promouvoir la régionalisation

D’ailleurs, la Direction Générale de la Politique Régionale de la Commission Européenne s’est vue allouée des fonds pour de nouveaux « outils » : une lettre d’info, un magazine, une « Newsroom ». Une plate-forme « Inform Network » coordonne un « réseau de responsables de la communication issus des 27 Etats membres afin de partager les expériences et les bonnes pratiques […] ». En somme, la campagne « l’Europe s’engage » suit les préconisations d’une « contribution » de Sophie Auconie au rapport de Pierre Leguiller sur la bonne utilisation par la France des fonds structurels européens, » rapport selon lequel :

Les citoyens européens n’ont pas suffisamment conscience de la contribution financière apportée par l’Union européenne. Il conviendrait donc de communiquer sur ses réalisations dans la presse quotidienne régionale. Ceci peut passer à la fois par l’organisation à Bruxelles de stages de formation des journalistes locaux et par l’achat de pages de publicité. Le Comité des régions devra être associé à cette politique de communication. (3)

Combien ça coute ?

Combien cela coute-il ? Pour le savoir, il suffit de se reporter aux budgets de l’Union européenne (4). J’ai récolté les données relatives aux paiements effectués au titre de la « communication » de la Commission européenne (Titre 16 du budget) entre 2005 et 2013. Le résultat est très clair : depuis 2005, les paiements versés au titre de la « communication » de la Commission ont augmenté de près de 70%.

Graph

 

(1) Voir l'excellent blog "Décrypter la communication de l'Union européenne"

(2) Pour lire l'étude: http://ec.europa.eu/public_opinion/flash/fl_298_en.pdf

(3) Pour accéder à cette contribution; http://www.meplf.eu/upload/dossiers/20100607160707_contribution-de-sophie-auconie-rapport-sur-la-bonne-utilisation-par-la-france-des-fonds-structurels-europeens.pdf

(4) Pour accéder aux budgets: http://eur-lex.europa.eu/budget/www/index-fr.htm

 

Publicité
Publicité
22 novembre 2013

3. La PQR sous le contrôle du Crédit Mutuel

Voici les titres de Presse Quotidienne Régionale (PQR) contrôlés par le groupe EBRA (Est Bourgogne Rhône Alpes)

  • L'Est-Républicain (Nancy)
  • Les Dernières Nouvelles d'Alsace (Strasbourg)
  • L'Alsace (Mulhouse et Colmar)
  • Le Journal de la Haute-Marne
  • Vosges-Matin
  • Le Bien Public (Dijon)
  • Le Journal de Saône-et-Loire
  • La presse de Gray
  • La Presse de Vesoul
  • Le Dauphiné Libéré (Hautes-Alpes, Alpes de Haute-Provence, Ardèche, Drôme, Isère, Savoie, Haute Savoie, Ain)
  • Le Progrès
  • La Tribune (Drôme, Ardèche)
  • L'Indépendant du Louhannais et du Jura

Et une infographie de France Bleu pour visualiser:

ebra

19 novembre 2013

2. Parti de Gauche: gentil petit parti social-démocrate (#RévolutionFiscale et Piketty)

C'est un secret de polichinelle que seuls ses militants ignorent: le Parti de Gauche n'est pas beaucoup plus à gauche que le Parti Socialiste. Chaque nouveau contexte amène les forces politiques à se positionner et - en un sens - à se révéler. C'est sans surprise que le PG, dans le nouveau contexte, se révèle comme petit parti de type "social-démocrate", au sens positif du terme.

Avec le nouveau budget et le contexte d'austérité forcée par l'euro et l'Union européenne actuelle, l'indignation galope dans les couches sociales rattachées aux territoires et à l'Etat, contre le capital apatride (pour le dire en ces termes) qui ne paie pas d'impôt et n'investit pas mais spécule, défiscalise à l'étranger son patrimoine et ses revenus. Les bonnets rouges en sont manifestement l'expression - comme le dit Todd à juste titre dans l'excellent dernier numéro de Marianne (1):

"Je propose un début de clarification conceptuelle:  on pourrait dire que la Bretagne des producteurs, ouvriers et patrons, affronte le Paris des prédateurs, les banques et l'Etat, banques et Etat étant désormais contrôlés par les mêmes inspecteurs des finances."

Quelle est la réaction du Parti de Gauche à ce nouveau contexte? Oh surprise! Le Parti de Gauche appelle à une " #RévolutionFiscale ", il organise une grande marche le 1er décembre 2013, devant le fameux portique de Bercy (celui dénoncé par Todd). Jean-Luc Mélenchon rappelle que « l’impôt juste est nécessaire, l’impôt injuste est ridicule et discrédite l’État et la République ». Et lance au gouvernement : « Si vous voulez faire un cadeau aux patrons, trouvez-le ailleurs que dans nos poches. » (2)

On ressort le balai qui rappelle la "révolution des balais" et l'affaire Cahuzac (Cahuzac gros menteur qui avait annoncé - en plein scandale - l'enterrement de la Réforme Fiscale). On lance une manif pour la "Révolution fiscale".

marche-01-12

Il faut dire une chose quand même: traditionnellement, depuis Jules Guesdes en France ou Rosa Luxembourg en Allemagne, la Gauche débat sur la différence, l'opposition ou les éventuelles convergences, entre Réforme et Révolution.

Ce coup-ci, le cadre est essentiellement social-démocrate: le débat se joue entre la réforme fiscale du gouvernement PS (ou plutôt sa non-réforme fiscale) et la révolution fiscale du shadow cabinet sans député de Jean-Luc Mélenchon (qui vient de publier son désormais traditionnel contre-budget).

Pourtant, tapez "Révolution Fiscale" sur Google, vous verrez que ce n'est pas le PG - loin de là - qui est à l'origine du terme "Révolution Fiscale". Il s'agit en fait du Manifeste de Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, trois chercheurs et économistes proches du Parti Socialiste. Ils avaient publié en 2011 le célèbre Pour une révolution fiscale, véritable petit livre rouge de l'aile gauche du PS qui avait servi de marqueur de la campagne socialiste, des primaires au discours du Bourget. (3)

Rien de nouveau donc, sinon que le PG vient d'adopter un marqueur incontournable de la social-démocratie. Ce qui est drôle, et en même temps caractéristique de ce petit parti, c'est que cela s'est fait sans convoquer aucun Congrès. (La plateforme "Osons" du Congrès de Bordeaux ne comporte aucune espèce de mention à la "Révolution Fiscale")

Cette démarche est intéressante: associer le mot d'ordre de Révolution fiscale, issu du PS, à une mobilisation de masse, c'est un coup de force, un coup de génie et un gros clin d'oeil.

Piketty-L

 

(1) Marianne n°865, du 16 au 22 novembre 2013

(2) Politis, 8 novembre 2013: "Jean-Luc Mélenchon propose " une marche pour la révolution fiscale" "

(3) Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez, Pour une révolution fiscale, un impôt sur le revenu pour la XXIe siècle., janv. 2011 éditions du Seuil et de la République des Idées. Voir aussi le site www.revolution-fiscale.fr.

 

9 novembre 2013

1. Bonnets Rouges

Que sont les « bonnets rouges » ? Ignorons les débordements de violence, d’ampleur négligeable, qui sont le fait de quelques extrémistes dont les comportements ne sont pas significatifs de cette mobilisation : ces évènements ont été médiatisés pour leur caractère spectaculaire. Pour l’essentiel, la composition du mouvement (d’ampleur discutable) était « transclassiste » (et non pas « interclassiste ») : les patrons de petites et moyennes entreprises et salariés sont venus ensemble. De même, on y a vu de nombreux paysans (encadrés par la FNSEA) qui – souvent – se conçoivent comme « agriculteurs » ou « entrepreneurs » dans l’agriculture, aiment l’ordre et s’opposent aux thématiques de lutte des classes au profit de thématiques plus conservatrices. Le salariat des grandes entreprises et la paysannerie progressiste constituent les franges nettement moins représentées de cette mobilisation de Quimper, sinon par quelques groupuscules comme le NPA.

Dans cet « interclassisme », Jacques Sapir a vu la manifestation du « tissu économique local » Breton, composé en grande partie de petites entreprises et de paysans. L’économiste chevènementiste a de plus déclaré – par impartialité académique sans doute – que la réaction de Jean-Luc Mélenchon était « stupide » : ce dernier avait parlé de « nigauds » et « d’esclaves qui manifestent pour les droits de leurs maitres ». Qu’un chef de parti soit partial est moins choquant. Quant au ton, il était manifestement calculé.

Était-ce si « stupide » ? Si l’on s’attache à rester le plus impartial possible, l’appréciation de Jean-Luc Mélenchon est en fait celle d’un représentant de la gauche radicale, opposant la « lutte des classes » à « l’unité nationale » ou à l’unité sociale de la Bretagne. Il était normal et logique que le candidat du Parti Communiste Français pour les élections de 2012 produise ce genre d’analyse sur une interprétation en termes de lutte des classes. L’encouragement à l’unité du salariat (et non à la collaboration avec le patronat régional et la paysannerie entrepreneuriale et religieuse) fait partie d’une grille de lecture ordinaire (et non « stupide ») de la gauche.

Avant toute chose, puisqu’il s’agit d’interpréter le sens d’une manifestation (et pas seulement du point de vue de « ceux qui vivent cette réalité » (sic)), il faut commencer par les faits. Cette mobilisation de Quimper a rassemblé entre 15.000 et 30.000 personnes. Nous prenons le chiffre des « organisateurs ». Ce n’est pas rien mais ce n’est pas tant. Le Front de Gauche le 5 mai, avait rassemblé plus d’une centaine de milliers de personnes à Paris, sur le mot d’ordre de la révolution des balais et de la Sixième République (quoique l’on pense de ces mots d’ordre).

Et ce n’est pas qu’une question de géographie parisienne certes plus propice aux mobilisations de masse. Les mouvements sociaux à Notre-Dame-des-Landes le 17 novembre 2012 (en plein bocage Nantais) ont rassemblé des groupements anarchoïdes, des écologistes, des paysans, des citoyens des classes moyennes désireux de protester contre le célèbre aéroport de Notre-Dame-des-Landes : 40.000 personnes selon les organisations, rassemblées pour ainsi dire au milieu de nulle part. D’aucuns noteront qu’il est probable que, par esprit de révolte, certains opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se trouvaient à Quimper avec les bonnets rouges.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de surestimer l’intensité de la mobilisation, qui l’a emporté surtout en raison de l’implication des médias et de l’esthétique régionaliste imposée par l’encadrement de la manifestation (composé des syndicats patronaux), et de ces portiques brûlés.

Les mots d’ordre de Quimper étaient mobilisateurs : contre l’écotaxe et pour l’emploi. Il est certes très clair que d’une part, la monnaie unique, le libre-échange et les politiques d’austérité qui en résultent imposent un dumping insupportable à l’économie régionale. Le tissu industriel Breton – avec des entreprises comme Doux ou Gad – souffre de la compétition internationale, spécifiquement la pression à la baisse sur les salaires et sur les investissements. L’écotaxe (invention de la droite et de Jean-Louis Borloo) a joué le rôle de catalyseur d’une opposition sociale croissante au gouvernement de Jean-Marc Ayrault, opposition qui n’était pas – en l’espèce – sans motifs politiques. Cette manifestation n’était pas une manifestation populaire « apolitique ». Le croire, c’est se laisser tromper par cette image d’Épinal des bonnets rouges de 1675, la célèbre jacquerie antifiscale concernant le « papier timbré ».

Publicité
Publicité
Publicité