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Res Politica
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24 novembre 2013

8. L'infantilisation des opinions indépendantistes

Les vrais démocrates que nous sommes, pour qui le sens commun invite à voir que les Nations sont le cadre ordinaire de la démocratie, sont régulièrement classés par des catégories péremptoires : « europhobie » est le dernier en date, qui succède à l’ « euroscepticisme ». En vérité, il ne fait aucun doute que les connotations associées à ces termes sont pour le moins négatives : « europhobie », c’est comme « homophobie », il y aurait derrière le rejet de l’Union européenne une forme de « peur ». De même « euroscepticisme » connote une attitude générale de doute, sans projet alternatif, le scepticisme étant la croyance selon laquelle il faudrait douter de tout, y compris de l’existence de la vérité. (1)

Dans les deux cas, l’attitude mature consistant à se pas réagir en « négatif », ni sur le ton du doute, en attitude permanente de refus d’une situation, ni en « réaction », sur le ton du scepticisme, mais l’attitude mature du Citoyen qui sait pertinemment qu’il est impossible de faire confiance à l’Union européenne et qui la rejette au nom d’une question de légitimité, de souveraineté, une question – en somme – constitutionnelle, cette attitude mature est toujours disqualifiée. Les puissants de la Commission européenne, au service des banques et des lobbies, déclarent sans cesse qu’il faut « expliquer », faire de la « pédagogie », présupposent que les Citoyens ne comprennent pas. Parce qu’eux détiennent la vérité et savent mieux que les autres. Le Citoyen Français, le Citoyen Grec, le Citoyen Espagnol, est infantilisé. Le Citoyen est bête dès lors qu'il oppose des arguments à la propagande de l'Union européenne. (2)

Certes, il est aussi fou de dire que « le Citoyen est bête » que de dire « le Peuple a toujours raison ». La bêtise et la raison se discutent: un argument est bête ou rationnel, seules les institutions peuvent discriminer entre les deux. L’idée de « Peuple » reste par ailleurs discutable et discutée. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la démocratie parlementaire est actuellement la plus aboutie des formes de gouvernement, en même temps que la plus perfectible de toutes. Que la division du travail politique entre gouvernants et gouvernés n’est pas la pire des choses, et force est de constater que cette division ne fait pas violence au sens commun (qu’on le veuille ou non).

Mais ladite division du travail politique doit être maintenue dans des cadres nationaux, pour maintenir le lien culturel, historique et concret entre le Citoyen et ses mandataires. Elle doit être maintenue dans un cadre constitutionnel laïque, qui organise la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires, prévenir les abus du gouvernement par le renforcement des contrepouvoirs, assoir fermement les libertés publiques et le Pouvoir Associatif, réaliser les conditions d’un système économique viable combinant le degré le plus élevé de protection sociale, les plus hauts salaires et les investissements les plus utiles pour le plus grand progrès des sciences et de l’industrie. Tel est le sens commun, si éloigné de la prétention des puissants de l’Union européenne – leur orgueil et leur démesure précèderont leur chute – à imposer leurs conceptions politiques aux Peuples de l’Europe.

Que nous proposent-ils ? Le cadre européen n’est pas laïque : les religieux n’ont de cesse d’y intervenir au nom de « racines chrétiennes de l’Europe ». Ils n’y a point de séparation des pouvoirs à l’échelon européen, l’initiative des lois et des règlements européens revenant aux pouvoirs exécutifs nationaux réunis au Conseil européen, le pouvoir judiciaire européen dépendant des pouvoirs nationaux et négociant en permanence avec lui, le Parlement européen sans cesse soumis aux diktats des exécutifs nationaux. En Grèce, l’Union européenne et la Troïka ont introduit dans le code pénal des mesures attentatoires aux libertés publiques, en criminalisant la parole et l’action des indépendantistes, ces opposants puérils à l’Union européenne. La Confédération Européenne des Syndicats est une vitrine d’un européisme syndical, financé par l’Union, les salaires sont alignés à la baisse dans toute l’Union, le libre-échange causant la division des salariés que la lente constitution des Etats-Nations avait uni dans des institutions de classes pour discipliner les antagonismes de classes. Les investissements se réduisent d’année en année, alors que l’urgence serait d’investir massivement dans l’industrie à l’heure où la troisième révolution industrielle désorganise et réorganise tout (il s’agit du numérique), à l’heure où l’écologie scientifique a démontré la nécessité de s’en prendre aux structures productivistes et consuméristes de l’économie. Il faudrait former massivement les Citoyens ? L’Union européenne détruit les universités !

Eux prétendent que nous ne savons pas. Pour autant regardez donc si eux savent mieux : depuis 2010 que la crise de l’euro fait sombrer l’ensemble des sociétés de l’Europe du Sud dans le chaos le plus total, depuis 2010 que leurs actions ne conduisent qu’à nous enfoncer davantage dans ce chaos, depuis 2010 nous lisons les commentaires les plus affligeants, les commentaires les plus triomphalistes sur l’avenir politique et économique de l’Europe. Les Indépendantistes n’ont nul besoin de commenter plus avant leur incompétence et leur autoritarisme, si manifestes dans le désordre et l’injustice qui sont devenus les traits communs de la plupart des sociétés européennes.

Nous comprenons très bien. Pas à la manière des universitaires, pas à la manière des élites parisiennes qui méprisent le Peuple, non : nous le comprenons à la manière des gens ordinaires. La « pédagogie européenne » est une insulte non pas à l’intelligence spontanée du Peuple, mais à l’idée même de Débat Public, impliquant que les élites politiques ne soient pas constamment conduites à trahir les populations qu’elles gouvernent. Les représentants politiques doivent faire la preuve de ce qu’ils avancent : s’ils en sont incapables, ils n’ont plus que l’argument d’autorité pour assoir leur pouvoir. La propagande est le dernier degré de la Politique. À notre époque de lumière où Wikipédia surclasse – et de loin – le projet de Diderot et d’Alembert, le projet de l’oligarchie européenne ne passera pas.

(1) Voir la page achetée par la Commission européenne dans l'édition du 13 novembre.

(2) Il est intéressant de voir ce qui s'est passé lorsque Monsieur Barroso s'est rendu à Liège, en Belgique, à l'occasion de l'un de ces "Dialogues Citoyens". Il a été accueilli par des jets d'oeufs par des opposants aux politiques d'austérité. Véronique de Keyser l'a accueilli avec moins d'humour en déclarant: "Ceci le poussera certainement à nous convaincre, mais ce sera dur, que le désamour entre l’Europe et les citoyens n’est qu’une question de pédagogie, de communication – et non pas le désaveu du travail de l’équipe qu’il a menée. " Voir le discours.

 

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